D8467OMphilippel
31 mars 2022
Il est des adresses que l'on souhaiterait garder pour soi, cachées au regard de la multitude, mais le cœur de Carmen et Daniele est si grand qu'il faut leur rendre grâce. Me voici donc en train d'écrire mon premier (et dernier ?) « avis » à propos d'un séjour de loisir et de contribuer incidemment à la fortune d'un géant américain de l'internet. Cela donne la mesure de ma dette à l'égard de mes hôtes. Au seuil de l'Antica Dimora, le bel édifice ocre et jaune, aux volets bleus, bâti en 1921 et parfaitement rénové, vous charme. Après avoir foulé quelques marches de marbre blanc, la porte s'ouvre sur la « Yunior Suite » et votre regard s'imprègne des diverses nuances bleu de Prusse du couvre-lit, des rideaux, des fauteuils et des coussins. Avant de m'endormir, j'ai fait le choix non pas d'admirer le lustre en cristal mais de scruter l'ornementation peinte au plafond pour m'abîmer dans une douce rêverie. Au réveil, gagnez le toit, spécialement aménagé : la ville révèle de son ampleur et je ne sais trop combien de siècles vous contemplent. Daniele m'explique que son quartier, plus que tout autre à Naples, concilie des traits aristocratiques, bourgeois et populaires. En effet, au sortir de la maison sur la gauche, Daniele me montre d'anciens palais, une belle église et la plaque posée sur la dernière demeure du poète et philosophe Leopardi. En devisant, nous sommes passés devant plusieurs petits commerces. Ah l'étal du maraîcher... et celui du poissonnier ! et l'élégant épicier muni d'une perche pour empiler des articles jusqu'au plafond de sa boutique. De l'autre côté, sur la droite de la maison, il y a le pont qui surplombe le Rione Sanità, un faubourg populaire en pleine renaissance : le premier soir, j'ai donc traversé ce pont, emprunté l'escalier qui mène au creux du vallon, et parcouru les ruelles sinueuses que surplombent des façades tantôt vivantes tantôt fantomatiques, soudain une basilique, de rares commerces encore ouverts, deux portraits géants fraîchement peints de la taille d'un immeuble (ceux des comédiens Totò, gloire du quartier, et Peppino De Filippo), au fond d'une cour l'escalier majestueux d'un palais nobiliaire... tâtonnement émerveillé... souvenir impérissable. Parlons logement : à l'Antica Dimora, les critères de confort, de calme, de propreté, de qualité du petit-déjeuner sont tous satisfaits. Cela va de soi, car les hôtes sont prévenants, ils ont le sens du détail. Mais surtout, avant tout, ce qui fait ombre à ces critères matériels, Carmen et Daniele ont du cœur. Or un grand cœur ne se mesure pas, il s'éprouve.